-
Par Cruella le 1 Juillet 2022 à 09:10
Éternel Féminin de l'éternel jocrisse !
Fais-nous sauter, pantins nous pavons les décors !
Nous éclairons la rampe... Et toi, dans la coulisse,
Tu peux faire au pompier le pur don de ton corps.
Fais claquer sur nos dos le fouet de ton caprice,
Couronne tes genoux ! ... et nos têtes dix-corps ;
Ris ! montre tes dents ! ... mais ... nous avons la police,
Et quelque chose en nous d'eunuque et de recors.
... Ah tu ne comprends pas ? ... - Moi non plus - Fais la belle,
Tourne : nous sommes soûls ! Et plats ; Fais la cruelle !
Cravache ton pacha, ton humble serviteur!...
Après, sache tomber ! - mais tomber avec grâce -
Sur notre sable fin ne laisse pas de trace ! ...
- C'est le métier de femme et de gladiateur.Tristan Corbiere (1845-1875)
votre commentaire -
Par Cruella le 28 Juin 2022 à 09:20
Roses trop rouges de mon désir,
Je vous effeuille au bord de cette onde
Où venait se mirer le Plaisir
Sous son masque usé comme le monde.Du bleu des monts où naît le matin
Cent bateaux dont la poupe se bombe
Se laissent voguer, lourds de butin,
Vers la mer où le soleil succombe.
Mon âme amante des nénufars
Voit passer devant elle la flotte
Brave de clairons et d’étendards
Sans ouïr l’appel du roi-pilote.C’est demain le réveil en la mer
Pour ceux-là qui descendent le fleuve.
— Écoute les cloches de l’hiver,
Qui sonnent pour les autres l’épreuve.Et prie à genoux parmi les fleurs
Roses trop rouges que tu tortures,
Nénufars où pleurent tes douleurs.
Pour tous les fous de ces aventures.La nuit douce à tes souvenirs las
Pose ses pas d’oubli sur la grève.
Dors au pays des fleurs et des glas
Et rêve que la vie est un rêve.Petits poèmes d’automne - Stuart Merrill *
votre commentaire -
-
Par Cruella le 3 Juin 2022 à 09:20
Ils cassent le monde
En petits morceaux
Ils cassent le monde
A coups de marteau
Mais ça m’est égal
Ça m’est bien égal
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
Il suffit que j’aime
Une plume bleue
Un chemin de sable
Un oiseau peureux
Il suffit que j’aime
Un brin d’herbe mince
Une goutte de rosée
Un grillon de bois
Ils peuvent casser le monde
En petits morceaux
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
J’aurais toujours un peu d’air
Un petit filet de vie
Dans l’oeil un peu de lumière
Et le vent dans les orties
Et même, et même
S’ils me mettent en prison
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
Il suffit que j’aime
Cette pierre corrodée
Ces crochets de fer
Où s’attarde un peu de sang
Je l’aime, je l’aime
La planche usée de mon lit
La paillasse et le châlit
La poussière de soleil
J’aime le judas qui s’ouvre
Les hommes qui sont entrés
Qui s’avancent, qui m’emmènent
Retrouver la vie du monde
Et retrouver la couleur
J’aime ces deux longs montants
Ce couteau triangulaire
Ces messieurs vêtus de noir
C’est ma fête et je suis fier
Je l’aime, je l’aime
Ce panier rempli de son
Où je vais poser ma tête
Oh, je l’aime pour de bon
Il suffit que j’aime
Un petit brin d’herbe bleue
Une goutte de rosée
Un amour d’oiseau peureux
Ils cassent le monde
Avec leurs marteaux pesants
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez, mon cœurBoris Vian
votre commentaire -
Par Cruella le 27 Mai 2022 à 10:00
Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses,
Ô toi, tous mes plaisirs ! ô toi, tous mes devoirs !
Tu te rappelleras la beauté des caresses,
La douceur du foyer et le charme des soirs,
Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses !
Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon,
Et les soirs au balcon, voilés de vapeurs roses.
Que ton sein m'était doux ! que ton cœur m'était bon !
Nous avons dit souvent d'impérissables choses
Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon.
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées !
Que l'espace est profond ! que le cœur est puissant !
En me penchant vers toi, reine des adorées,
Je croyais respirer le parfum de ton sang.
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées !
La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison,
Et mes yeux dans le noir devinaient tes prunelles,
Et je buvais ton souffle, ô douceur ! ô poison !
Et tes pieds s'endormaient dans mes mains fraternelles.
La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison.
Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses,
Et revis mon passé blotti dans tes genoux.
Car à quoi bon chercher tes beautés langoureuses
Ailleurs qu'en ton cher corps et qu'en ton cœur si doux ?
Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses !
Ces serments, ces parfums, ces baisers infinis,
Renaîtront-ils d'un gouffre interdit à nos sondes,
Comme montent au ciel les soleils rajeunis
Après s'être lavés au fond des mers profondes ?
- Ô serments ! ô parfums ! ô baisers infinis !
Charles Baudelaire - Les Fleurs du mal - Spleen et idéal
votre commentaire
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique