•  



    Le lendemain au boulot on nous a posé des questions au sujet de notre départ en trombe. Nous avons reconnu avoir fait la dernière course et aussi que nous y retournions cet après-midi. Manny avait choisi son cheval, moi le mien. Des mecs nous ont demandé de prendre des paris pour eux. J’ai dit que je savais pas. A midi Manny et moi sommes allés déjeuner dans un bar.
    « Hank, on prend les paris.
    - Ces mecs n’ont pas un rond – tout ce qu’ils ont c’est le fric que leurs femmes leur donnent pour acheter du chewing-gum et du café ; on a pas de temps à gaspiller avec des paris à deux dollars.
    - On engage pas leur fric, on le garde.
    - Suppose qu’ils gagnent.
    - Ils ne gagneront pas. Ils choisissent toujours le mauvais cheval. Ils ont le chic de toujours choisir le mauvais cheval.
    - Imagine qu’ils parient sur notre bourrin.
    - Alors on saura qu’on a choisi le mauvais bourrin. […] »
     
    "Factotum"

     

    Partager via Gmail

    votre commentaire
  •  

    Sur mode plus sérieux, je suis horrifié par la souffrance que doit endurer un être humain, et j'aurais tendance à penser que cette saloperie de Douleur ne disparaîtra jamais. Rester en vie dans une société aussi insensée qu'insensible n'est pas une mince affaire - mais faire face à l'horreur universelle relève de l'exploit. La plupart d'entre nous survivent entre la sous-alimentation et le chômage. Et avec pour seules perspectives l'affliction et la déraison - rares sont ceux et celles qui résistent au naufrage. C'est nous qui avons bâti cette maison dans laquelle s'entassent des demi-hommes qui nous dirigent. Si Satan voulait être élu maire de Los Angeles, il l'emporterait haut la main.
    Adopter une attitude décontractée au milieu de cette tempête de merde peut paraître cool mais revient à nier le réel. On a tous besoin de quelque chose pour aller de l'avant. Or qu'est-ce qui s'offre à nous? Presque rien putain ! Aussi, tels des automates, sacrifie-t-on à la barbarie nos années, nos vies. Ce qu'il nous faudrait c'est un programme, de nouveaux leaders, hélas ! on risque d'attendre encore longtemps. Entre-temps, la chance, le courage nous permettrons de tenir jusqu'au jour où nous n'en auront plus.

    "Le retour du Vieux dégueulasse" Charles Bukowski

    Partager via Gmail

    votre commentaire
  •  

     

    Chaque fois que je conduis dans la rue, je suis sidéré qu'il n'y ait pas d'accident toutes les deux secondes. Chaque jour, je vois des types griller des feux rouges, comme s'ils n'existaient pas. J'suis pas un prêcheur mais je peux vous dire ceci: la vie que les gens mènent les rend cinglés et leur folie transparaît dans leur façon de conduire.

    "Factotum"

     

    Partager via Gmail

    votre commentaire
  •  

     

     
    Je veux dire, je m'étais fabriqué une sorte de plan de bataille pour faire face à toutes les éventualités, à la mort, tu vois ce genre de trucs, ça marchait plutôt bien, c'était facile, seulement elle, Marina, m'a apporté une sorte de sainteté, une sorte d'enseignement et depuis je n'ai plus la moquerie aussi facile, je ne hais plus les autres autant qu'avant ; les autres, elle me dit qu'ils ne sont pas exactement tels que je me les représente et j'admets quelques-unes de ses idées. nous avons de longues conversations dans le noir, avant le coucher, cette petite de 3 ans et moi, et comme sa vision est limpide, son esprit sain, puisqu'elle n'a pas encore connu les brûlures que nous réserve l'existence, dans chacune de nos conversations j'apprends beaucoup, je fais marche arrière pour ne pas souiller sa vision, je ne l'utilise pas, elle me remplit simplement de joie. Du moins, c'est ce que je pense.
     
    Correspondance 1958-1994 *

     

    Partager via Gmail

    votre commentaire
  •  



    - Belane, ajouta-t-elle, je m'en vais.
    - Dans ce cas, on se prend le dernier pour la route.
    - Non, tu n'as pas compris, je m'en vais pour de bon. Mes équipiers et moi-même, nous quittons la terre... Dans toute cette histoire, le plus curieux, et sans que je sache pourquoi, c'est que je te regretterai...
    - Comme je te comprends ricanai-je. Mais pourquoi vous tirez-vous, toi et ton groupe ?
    - Après mûre réflexion, nous sommes arrivés à la conclusion que votre planète est trop affreuse. Et nous avons renoncé à la coloniser.
    - Qu'y a t'il de si affreux sur cette... terre ?
    - Chacune de ces composantes. Le smog par exemple, mais aussi son taux de criminalité, l'air empoisonné, les eaux polluées, la nourriture cancérigène... Mais aussi la haine, le désespoir... La seule chose de belle sur votre planète, ce sont les animaux, contre lesquels vous vous acharner, et qui bientôt auront tous disparu, excepté les rats apprivoisés et les chevaux de champs de courses. Ça m'attriste, mais ça m'explique aussi pourquoi tu bois tant.
    - Brillante analyse, Jeannie. Et encore tu oublies nos centrales nucléaires !
    - C'est vrai. En définitive, vous n'avez pas su vous arrêter à temps, vous avez creusé votre propre tombe.
    - Sauf que ça peut péter demain comme dans mille ans. Du coup, puisque nul ne sait combien on a de temps encore, la plupart des Terriens ont renoncé à changer quoi que ce soit à cet état de choses. Après nous, le déluge, n'est ce pas ?
    - Tu me manqueras, Belane. Les animaux aussi...
    - Comme je t'approuve de t'en aller !
    Ses yeux se mouillèrent.
    - Je t'en conjure, Jeannie, ne pleure pas... Bon Dieu de merde !
    Elle approcha le verre de ses lèvres et but avec avidité, puis elle me regarda. Jamais au grand jamais, on ne m'avait regardé avec de tels yeux. Et que ne donnerais-je pour en revoir de comparables.
    - Au revoir, mon gros, dit-elle en souriant.
    Je me retrouvai seul.

    "Pulp"

     

    Partager via Gmail

    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique