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Par Cruella le 20 Juin 2021 à 09:10
Si tu m’attends, je reviendrai.
Mais attends moi très fort, très fort,
Attends, quand la pluie jaune
Apporte la tristesse,
Attends quand la neige tournoie,
Attends quand triomphe l’été,
Attends quand le passé s’oublie
Et qu’on n’attends plus les autres.
Attends quand des pays lointains
Il ne viendra plus de courrier,
Attends, lorsque seront lassés
Ceux qui avec toi attendaient.
Si tu m’attends, je reviendrai.
Ne leur pardonne pas, à ceux
Qui vont trouver les mots pour dire
Qu’est venu le temps de l’oubli.
Et s’ils croient, mon fils et ma mère,
S’ils croient que je ne suis plus,
Si les amis, las de m’attendre,
Viennent s’asseoir auprès du feu,
Et s’ils portent un toast funèbre
A la mémoire de mon âme…
Attends. Attends et avec eux
Refuse de lever ton verre.
Si tu m’attends, je reviendrai
En dépit de toutes les morts.
Et qui ne m’a pas attendu
Peut bien dire : « c’est de la veine ».
Ceux qui ne m’ont pas attendu,
D’où le comprendraient-ils, comment,
En plein milieu du feu,
Ton attente
M’a sauvé.
Comment j’ai survécu, seuls toi et moi
Nous le saurons, -
C’est bien simple, tu auras su m’attendre
Comme personne.Constantin Mihaïlovitch Simonov – 1941
Traduction de Jean Marcenac
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Par Cruella le 1 Juin 2021 à 11:06
Que ce soit dimanche ou lundi
Soir ou matin minuit midi
Dans l'enfer ou le paradis
Les amours aux amours ressemblent
C'était hier que je t'ai dit
Nous dormirons ensemble
C'était hier et c'est demain
Je n'ai plus que toi de chemin
J'ai mis mon coeur entre tes mains
Avec le tien comme il va l'amble
Tout ce qu'il a de temps humain
Nous dormirons ensemble
Mon amour ce qui fut sera
Le ciel est sur nous comme un drap
J'ai refermé sur toi mes bras
Et tant je t'aime que j'en tremble
Aussi longtemps que tu voudras
Nous dormirons ensembleLouis Aragon
(Le fou d'Elsa) *
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Par Cruella le 19 Mai 2021 à 14:54
Ouvre ton aile au vent, mon beau ramier sauvage,
Laisse à mes doigts brisés ton anneau d'esclavage !
Tu n'as que trop pleuré ton élément, l'amour ;
Sois heureux comme lui : sauve-toi sans retour !
Que tu montes la nue, ou que tu rases l'onde,
Souviens-toi de l'esclave en traversant le monde :
L'esclave t'affranchit pour te rendre à l'amour ;
Quitte-moi comme lui : sauve-toi sans retour !
Va retrouver dans l'air la volupté de vivre !
Va boire les baisers de Dieu, qui te délivre !
Ruisselant de soleil et plongé dans l'amour,
Va-t-en ! Va-t-en ! Va-t-en ! Sauve-toi sans retour !
Moi, je garde l'anneau ; je suis l'oiseau sans ailes.
Les tiennes vont aux cieux ; mon âme est devant elles.
Va ! Je les sentirai frissonner dans l'amour !
Mon ramier, sois béni ! Sauve-toi sans retour !
Va demander pardon pour les faiseurs de chaînes ;
En fuyant les bourreaux, laisse tomber les haines.
Va plus haut que la mort, emporté dans l'amour ;
Sois clément comme lui... sauve-toi sans retour !Marceline DESBORDES-VALMORE (1786-1859) *
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Par Cruella le 13 Mai 2021 à 11:08
Visiblement pour l’exhiber,
Par les rues on menait
Un Éléphant.
On sait que l’Éléphant est chez nous peu courant.
Aussi tous les badauds en foule étaient derrière.
Venu Dieu seul sait d’où, un Carlin (1) les rencontre
Aperçoit l’Éléphant et, sans plus de manières,
Il se jette après lui,
Aboie, glapit et montre
Que lui chercher querelle est son premier souci.
« Cesse donc, ô voisin, ceci est ridicule,
Lui dit un Chien errant.
Est-ce à toi, un carlin, de jouer les Hercule
Auprès d’un éléphant ?
Vois, déjà tu t’enroues et lui va de l’avant,
Sans se presser
Ni remarquer aucunement
Ton aboiement.
— Hé hé ! lui répond le Carlin.
C’est justement cela qui me donne du cœur.
Car je puis désormais, sans m’exposer en vain,
Passer aux yeux de tous pour un grand batailleur.
Aux chiens de dire, parlant de moi :« Ah, le Carlin, que son courage est grand :
Il aboie contre un Éléphant ! »Ivan Krylov
1. Carlin : petit chien d’agrément à poil ras, au museau noir et écrasé (Ro-bert). Autrement dit, une horreur.
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Par Cruella le 9 Mai 2021 à 09:04
Je vois scintiller tels de très heureux trésors
Des myriades de rimes. J'admire, j'adore...
Mais ne me sens plus vivant qu'en lisant des morts !
Souvent, les contemporains en ont rogné l'or,
N'ont libéré le vers que pour ne le plus voir,
Que pour le congédier. Le vers s'est fait avoir !
Ecrivant ces choses, hélas ! on est bien seul.
Et de la poésie... On s'en sent le linceul.Charles Baudelaire *
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