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    Sous son maquillage aux souriantes couleurs,
    le clown triste dissimule son chagrin.
    Il se courbe sous le fardeau de la douleur?
    son amie si fidèle depuis tant de matins.
    Il allume des étoiles au fond de ses yeux,
    Et présente ses lèvres fardées de bonheur
    aux regards toujours en quête de merveilleux ;
    pourtant, ils sont aveugles devant son malheur.
    Il n’est pas étranger à cette indifférence ;
    pour voir fleurir des sourires sur les visages,
    il enferme, derrière son masque, sa souffrance
    et son habitude, ses pleurs et leurs ravages.
    » Qu’importe « se dit-il… » Ne sont-ils pas ravis ! »
    Il s’est réjoui de tous les rires des enfants
    passionnés, assis au premier rang de sa vie,
    et leur a offert toutes les rides du temps.
    Il n’attend ni gratitude ni compassion,
    juste un peu de compréhension et d’indulgence,
    quand s’éteindront les lumières de la raison
    et se fermeront les portes de la souffrance.
    Dans le silence du soir, il entend l’espoir
    l’implorer de sécher ses larmes de détresse,
    d’enlever les artifices de son histoire
    de petit clown triste et de goûter à l’ivresse.
     
    Michèle BRODOWICZ
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    La solitude est lourde et sans rien qui la trouble,
    Sous les nuages noirs aux rauques grondements
    S’étend sans fin la plaine, où les marais dormants
    Étalent leur surface empuantie et trouble.

    Par la morne étendue un bouquet de roseaux
    Pousse de ci, de là ; parfois une cigogne
    Sur une patte, au bord d’un marais, se renfrogne
    Sans bouger, sans songer, en contemplant les eaux.

    Mon âme est ce pays, et pas une pensée
    Depuis les jours enfuis ne l’a plus traversée ;
    Plus un ancien bonheur, plus un chagrin nouveau :

    Rien que mon seul amour, que votre seule image,
    Pareille au triste oiseau rêvant du paysage,
    Qui veille en ma mémoire et hante mon cerveau.

    André Fontainas *

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    J’ai tant regardé la rivière
    et le soleil
    et le doux ciel,
    que j’ai lâché mon roseau vert.
    Il est allé dans l’eau si claire,
    il est allé jusqu’à la mer !

    J’ai voulu cueillir aussitôt
    un autre roseau si beau,
    mais je me suis coupée aux herbes,
    mes cheveux ont traîné dans l’eau...
    (Ah ! rendez-moi donc mon roseau
    et ma prairie et ma rivière !)

    J’ai vu passer le fils du roi ;
    il m’a dit : « Ma belle, pourquoi,
    le long de la jolie rivière,
    pourquoi pleures-tu là ? »
    Ha ! Ha !
    C’était
    le fils du roi.

    Il m’a dit : « Viens avec moi,
    et si tu veux tu seras reine.
    Tu auras pour filer la laine
    un rouet d’or, et un fuseau
    aussi léger qu’un os d’oiseau !»

    Las! je suis reine et prisonnière
    dans un royaume merveilleux.
    Mon cœur, mon cœur a tant de peine,
    pleurez, pleurez, mes yeux.
    Où sont mes sœurs et ma rivière ?
    J’ai perdu mon roseau vert.

    Madeleine Ley *

     
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    Beau fantôme de l'innocence,
    Vêtu de fleurs,
    Toi qui gardes sous ta puissance
    Une âme en pleurs !
    Ô toi qui devanças nos hontes
    Et nos revers,
    Es-tu si grand que tu surmontes
    Tout l'univers !
    Le reste, comme la poussière,
    S'est envolé,
    Devant le feu de ma paupière
    Tout s'est voilé,
    Tout s'est enfui, flamme et fumée,
    Tout est au vent ;
    Toi seul sur mon âme enfermée
    Planes souvent.
    Pour courir à ta voix qui crie :
    « Éternité ! »
    Pour monter à Dieu que je prie,
    J'ai tout jeté.
    La nuit, pour chasser un mensonge
    Qui me fait peur,
    Ta main, plus forte que le songe,
    Étreint mon coeur.
    Quelle absence est assez profonde
    Pour te braver,
    Quand ton regard perce le monde
    Pour nous trouver ?
    De mon âme ont jailli des âmes
    Dignes de toi :
    Au milieu de ces pures flammes,
    Ressaisis-moi !
    Beau fantôme de l'innocence
    Vêtu de fleurs,
    Oh ! Garde bien en ta puissance
    Notre âme en pleurs.
     
    Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)
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  • Toi le féminin
    Ne nous délaisse pas
    Car tout ce qui n'est pas mué en douceur
    ne survivra pas

    Toi qui survivras
    Révèle-nous ton mystère que peut-être
    Toi-même tu ignores
    sinon le mystère ne serait pas

    N'est-ce pas que le printemps est empli
    d'oiseaux dont l'appel se perd au loin
    Que l'été nous écrase de son incandescence
    sont la senteur nous poigne jusqu'aux larmes
    Que l'automne nous laisse désemparés
    par son trop-plein de couleurs, de saveurs
    Que l'ultime saison rompt le cercle
    Nous plongeant dans l'abîme
    de l'inguérissable nostalgie

    Mais en toi demeure le mystère que peut-être
    toi-même tu ignores
    En toi ce que est perdu, ce qui est à venir
    Étant d'avant la pluie au furtif nuage
    Colline après l'orage au contour plein

    Ne nous délaisse pas
    Toi le féminin
    Hormis ton sein
    quel lieu pour renaître ?

    "Le livre du Vide médian"  François Cheng *

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