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Par Cruella le 18 Novembre 2018 à 10:14
A cette heure où les coeurs, d'amour rassasiés,
Flottent dans le sommeil comme de blanches voiles,
Entends-tu sur les bords de ce lac plein d'étoiles
Chanter les rossignols aux suaves gosiers ?
Sans doute, soulevant les flots extasiés
De tes cheveux touffus et de tes derniers voiles,
Les coussins attiédis, les draps aux fines toiles
Baisent ton sein, fleuri comme un bois de rosiers ?
Vois-tu, du fond de l'ombre où pleurent tes pensées,
Fuir les fantômes blancs des pâles délaissées,
Moins pâles de la mort que de leur désespoir ?
Ou, peut-être, énervée, amoureuse et farouche,
Pieds nus sur le tapis, tu cours à ton miroir
Et des ruisseaux de pleurs coulent jusqu'à ta bouche.Théodore de BANVILLE (1823 - 1891) *
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Par Cruella le 17 Novembre 2018 à 10:10
Veux-tu l'acheter ?
Mon coeur est à vendre.
Veux-tu l'acheter,
Sans nous disputer ?
Dieu l'a fait d'aimant ;
Tu le feras tendre ;
Dieu l'a fait d'aimant
Pour un seul amant !
Moi, j'en fais le prix ;
Veux-tu le connaître ?
Moi, j'en fais le prix ;
N'en sois pas surpris.
As-tu tout le tien ?
Donne ! et sois mon maître.
As-tu tout le tien,
Pour payer le mien ?
S'il n'est plus à toi,
Je n'ai qu'une envie ;
S'il n'est plus à toi,
Tout est dit pour moi.
Le mien glissera,
Fermé dans la vie ;
Le mien glissera,
Et Dieu seul l'aura !
Car, pour nos amours,
La vie est rapide ;
Car, pour nos amours,
Elle a peu de jours.
L'âme doit courir
Comme une eau limpide ;
L'âme doit courir,
Aimer ! et mourir.Marceline DESBORDES-VALMORE (1786-1859) *
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Par Cruella le 12 Novembre 2018 à 14:36
Elle s'appelle Marie-France, elle a tout juste vingt ans
Et elle vient d'épouser un inspecteur des finances
Un jeune homme très brillant, qui a beaucoup d'espérances
Mais depuis son mariage, chacun dit en la voyant
Bourrée de complexes
Elle a bien changé
Faut la faire psychanalyser
Chez un docteur pour la débarrasser
De ses complexes à tout casser
Sinon elle deviendra cinglée...
Elle s'ennuie tout le jour dans son bel appartement
Et pour passer le temps, elle élève dans sa baignoire
Des têtards et le soir quand son mari est rentré
Elle préfère s'enfermer avec ses invertébrés
Bourrée de complexes
Elle est dérangée
Il n'y a rien à espérer
Il n'y a vraiment qu'à la laisser crever
Tout ça passe qu'elle a épousé
Un coquelicot déjà fané
Elle s'est inscrite au Racing pour y apprendre à nager
Les têtards tôt ou tard ont fini par l'inspirer
Et là-bas, un beau soir, elle a enfin rencontré
Un sportif, un mastard, un costaud bien baraqué
Bourrée de complexes
Et tout a changé
Car il est venu vivre chez eux
Et le coquelicot soudain s'est senti mieux
Ayant repris toute sa vigueur
Il a enlevé le maître nageur
Adieu les complexes
Finis les complexes
Elle a changé de sexe
Tout est arrangéBoris Vian
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Par Cruella le 25 Octobre 2018 à 11:20
Vous vivez lâchement, sans rêve, sans dessein,
Plus vieux, plus décrépits que la terre inféconde,
Châtrés dès le berceau par le siècle assassin
De toute passion vigoureuse et profonde.
Votre cervelle est vide autant que votre sein,
Et vous avez souillé ce misérable monde
D'un sang si corrompu, d'un souffle si malsain,
Que la mort germe seule en cette boue immonde.
Hommes, tueurs de Dieux, les temps ne sont pas loin
Où, sur un grand tas d'or vautrés dans quelque coin,
Ayant rongé le sol nourricier jusqu'aux roches,
Ne sachant faire rien ni des jours ni des nuits,
Noyés dans le néant des suprêmes ennuis,
Vous mourrez bêtement en emplissant vos poches.Charles-Marie Leconte de Lisle *
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Par Cruella le 12 Octobre 2018 à 09:58
Ton regard tout de rêve et d'attente
Si offert à la transparence que jamais
l'aube y dépose sa promesse
Aube de la vie, aube de ta vie, attendant
Qu'au fond de la nuit s'esquisse une âme sœur
et lentement prenne corps l'être de ton rêve
Sachant faire siens faim et soif, gel et flamme
Suivre en silence le courant des murmures
et remonter jusqu'à la source des larmes
Faire fi des saisons, des lointains
sur le long chemin qui mène vers toi
Cueillir en passant roses d'été, pétales d'automne
frissons de grillons, laudes de l'alouette
Pénétrer l'intime de la moindre fibre
des feuilles, des fleurs, puis des fruits
Être humble assez pour entendre l'impalpable
dévoiler l'indicible, épouser l'inouï
Se dépouiller tel un arbre en hiver
ouvert aux affres et aux effrois
Dressant ses branches contre le ciel étoilé
Franchissant une à une les couches de la nuit
Et venir enfin
au-devant de la transparence de l'aube
Et te dire, avec l'évidence du jour,
"me voici!""Le livre du Vide médian" François Cheng *
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