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Par Cruella le 5 Mars 2023 à 09:40
De l'amandier tige fleurie,
Symbole, hélas! de la beauté,
Comme toi, la fleur de la vie
Fleurit et tombe avant l'été.
Qu'on la néglige ou qu'on la cueille,
De nos fronts, des mains de l'Amour,
Elle s'échappe feuille à feuille,
Comme nos plaisirs jour à jour!
Savourons ces courtes délices;
Disputons-les même au zéphyr,
Epuisons les riants calices
De ces parfums qui vont mourir.
Souvent la beauté fugitive
Ressemble à la fleur du matin,
Qui, du front glacé du convive,
Tombe avant l'heure du festin.
Un jour tombe, un autre se lève;
Le printemps va s'évanouir;
Chaque fleur que le vent enlève
Nous dit : Hâtez-vous de jouir.
Et, puisqu'il faut qu'elles périssent,
Qu'elles périssent sans retour!
Que ces roses ne se flétrissent
Que sous les lèvres de l'amour!Alphonse de LAMARTINE (1790-1869)
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Par Cruella le 25 Février 2023 à 09:20
Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur ?
Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un coeur qui s’ennuie,
Ô le chant de la pluie !
Il pleure sans raison
Dans ce coeur qui s’écoeure.
Quoi ! nulle trahison ?…
Ce deuil est sans raison.
C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon coeur a tant de peine !
Paul Verlaine - Romances sans paroles (1874)
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Par Cruella le 23 Février 2023 à 09:40
La vie que j’ai menée
M’empêche de me suicider
Tout bondit
Les femmes roulent sous les roues
Avec de grands cris
Les tape-cul en éventail sont à la porte des gares.
J’ai de la musique sous les ongles.
Je n’ai jamais aimé Mascagni
Ni l’art ni les Artistes
Ni les barrières ni les ponts
Ni les trombones ni les pistons
Je ne sais plus rien
Je ne comprends plus...
Cette caresse
Que la carte géographique en frissonne
Cette année ou l’année prochaine
La critique d’art est aussi imbécile que l’espéranto
Brindisi
Au revoir au revoir
Je suis né dans cette ville
Et mon fils également
Lui dont le front est comme le vagin de sa mère
Il y a des pensées qui font sursauter les autobus
Je ne lis plus les livres qui ne se trouvent que dans les bibliothèques
Bel A B C du monde
Bon voyage !
Que je t’emporte
Toi qui ris du vermillon
BLAISE CENDRARS (1887~1961) - (Dix-neuf poèmes élastiques, 1919) Avril 1914
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Par Cruella le 11 Février 2023 à 09:30
Pendant que je suis là sur mon lit, seul et nu,
Tendant les mains à l’inconnu;
Cherchant dans l’ombre épaisse une forme vivante
Pour l’étreindre de mes deux bras;
Inventant tout ce que la solitude invente
Pour se dédoubler dans les draps;
Pendant que le sang bout dans tes nobles artères.
Sceptre rutilant de mes pères;
Pendant que je te tiens, raidi, gonflé, tendu,
Sous l’édredon que tu soulèves;
Pendant que je m’épuise à noyer ma vertu
Dans l’humidité de mes rêves.
Pendant que je tords sur mon axe viril
Comme Saint Laurent sur son gril:
– O femme! Qui dira la foule involontaire
Des pucelles qu’on fait moisir?
Qui dira les doigts blancs dont l’effort solitaire
Gratte l’écorce du plaisir?A vous!
Je songe à vous, chastes filles du monde
Que nul ne titille ou ne sonde;
Clitoris sans amour des vierges par devoir,
Muqueuses en rut, coeur en peine,
C’est pour vous que j’agite et que je fais pleuvoir
Ce qui vous manque et qui me gêne.
Car j’ai votre idéal, si vous avez le mien!
Venez, Prenez: C’est votre bien.
Vous pour moi, moi pour vous; qu’on aime et qu’on se serre
Libre échange! Secours mutuel!
Ah venez! Unissons notre double misère:
Nos deux enfers feront un ciel.
Au festin de l’amour nous ferons table rase.
J’ai la liqueur et vous le vase…
Vous tendez votre coupe à mes deux chansons.
Moi généreux et vous avide:
Fête ongue et vins chauds!
A nos santés, versons
Mon trop plein dans votre trop vide!Edmond Haraucourt - La Légende des sexes 1883
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Par Cruella le 9 Février 2023 à 09:40
Encore un peu ta bouche en pleurs, encore un peu
Tes mains contre mon coeur et ta voix triste et basse ;
Demeure ainsi longtemps, délicieuse et lasse,
Auprès de moi, ma pauvre enfant, ce soir d'adieu.
Les formes du jardin se fondent dans l'air bleu,
Le vent propage en l'étouffant l'aveu qui passe ;
L'heure semble éternelle au couple qui s'enlace,
Et l'ivresse de vivre unit les chairs en feu :
Ah ! qu'il nous faut souffrir, ce soir, ma bien-aimée !
Doigt par doigt, jeu pensif, j'ouvre ta main fermée ;
Nous n'osons pas songer à l'approche du jour.
Tu sanglotes, ta calme étreinte se dénoue ;
Et sur la pauvre humilité de notre amour
Le ciel, nocturne paon étoilé, fait la roue.Charles GUÉRIN (1873-1907)
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