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    Je vivais sans cœur, tu vivais sans flamme,
    Incomplets, mais faits pour un sort plus beau ;
    Tu pris de mes sens, je pris de ton âme,
    Et tous deux ainsi nous nous partageâmes :
    Mais c’est toi qui fis le meilleur cadeau !

    Et j’aime tes bras… tes bras mieux qu’une aile ;
    Car une aile, hélas ! sert à nous quitter :
    L’ange ailé s’en va, lorsque Dieu l’appelle…
    Tandis que des bras servent à rester !

    Porte-Maillot, Jeudi Saint 1852.

     Jules Barbey d'Aurevilly

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    Jamais d’autre que toi en dépit des étoiles et des solitudes
    En dépit des mutilations d’arbre à la tombée de la nuit
    Jamais d’autre que toi ne poursuivra son chemin qui est le mien
    Plus tu t’éloignes et plus ton ombre s’agrandit
    Jamais d’autre que toi ne saluera la mer à l’aube
    quand fatigué d’errer moi sorti des forêts ténébreuses
    et des buissons d’orties je marcherai vers l’écume
    Jamais d’autre que toi ne posera sa main sur mon front et mes yeux
    Jamais d’autre que toi et je nie le mensonge et l’infidélité
    Ce navire à l’ancre tu peux couper sa corde
    Jamais d’autre que toi
    L’aigle prisonnier dans une cage ronge lentement les barreaux de cuivre vert-de-grisés
    Quelle évasion !
    C’est le dimanche marqué par le chant des rossignols dans les bois vert tendre
    l’ennui des petites filles en présence d’une cage où s’agite un serin,
    tandis que dans la rue solitaire
    le soleil lentement déplace sa ligne mince sur le trottoir chaud
    Nous passerons d’autres lignes
    Jamais jamais d’autre que toi
    Et moi seul seul seul comme le lierre fané des jardins de banlieue
    seul comme le verre
    Et toi jamais d’autre que toi.


    Robert DESNOS

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  • Les désespoirs sont morts, et mortes les douleurs.
    L'espérance a tissé la robe de la terre ;
    Et ses vieux flancs féconds, travaillés d'un mystère,
    Vont s'entr'ouvrir encor d'une extase de fleurs.

    Les temps sont arrivés, et l'appel de la femme,
    Ce soir, a retenti par la création.
    L'étoile du désir se lève ô vision !
    Ô robes qui passez, nonchalantes, dans l'âme...

    Les ciels nus du matin frissonnent de pudeur ;
    L'émeute verte éclate aux ramures vivaces ;
    Et la vie éternelle arrivant des espaces
    En ruisseaux de parfums coule à travers le coeur.

    Voici que le printemps s'avance sous les branches,
    Nu, candide et mouillé dans un jeune soleil ;
    Et les cloches tintant parmi l'azur vermeil
    Versent une allégresse au coeur des maisons blanches.

    L'âme s'ouvre parmi l'enchantement du jour,
    Et le monde qu'enivre une vague caresse,
    Le monde, un jour encor, va noyer sa détresse
    Dans les cheveux profonds et vivants de l'amour.

    Amour ! Frissons légers des jupes, des voilettes,
    Et lumières des yeux de femmes transparents...
    Amour ! Musique bleue et songes odorants...
    Et frêles papillons grisés de violettes...

     

    Albert SAMAIN (1858-1900) *

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    Si ta marche attristée
    S'égare au fond d'un bois,
    Dans la feuille agitée
    Reconnais-tu ma voix ?
    Et dans la fontaine argentée,
    Crois-tu me voir quand tu te vois ?

     

    Qu'une rose s'effeuille,
    En roulant sur tes pas,
    Si ta pitié la cueille,
    Dis ! ne me plains-tu pas ?
    Et de ton sein, qui la recueille,
    Mon nom s'exhale-t-il tout bas ?

     

    Qu'un léger bruit t'éveille,
    T'annonce-t-il mes vœux ?
    Et si la jeune abeille
    Passe devant tes yeux,
    N'entends-tu rien à ton oreille ?
    N'entends-tu pas ce que je veux ?

    La feuille frémissante,
    L'eau qui parle en courant,
    La rose languissante,
    Qui te cherche en mourant ;
    Prends-y garde, ô ma vie absente !
    C'est moi qui t'appelle en pleurant.


    Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) Recueil : Romances (1830) *

     

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  • Amour me tue, et si je ne veux dire
    Le plaisant mal que ce m'est de mourir :
    Tant j'ai grand peur, qu'on veuille secourir
    Le mal, par qui doucement je soupire.

    Il est bien vrai, que ma langueur désire
    Qu'avec le temps je me puisse guérir :
    Mais je ne veux ma dame requérir
    Pour ma santé : tant me plaît mon martyre.

    Tais-toi langueur je sens venir le jour,
    Que ma maîtresse, après si long séjour,
    Voyant le soin qui ronge ma pensée,

    Toute une nuit, folâtrement m'ayant
    Entre ses bras, prodigue, ira payant
    Les intérêts de ma peine avancée.

     

    Pierre de RONSARD (1524-1585)

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