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    7. CRÉPUSCULE DE LA NOBLESSE

    Au fil des temps modernes, la noblesse de sang a été empoisonnée par l’atmosphère de cour, et la noblesse d’esprit par le capitalisme.
        Depuis la fin de l’époque de la chevalerie, la haute noblesse de l’Europe continentale se trouve, à quelques rares exceptions près, dans un état de décadence progressive. À travers son urbanisation, elle a perdu ses avantages physiques et spirituels.
        Aux temps du féodalisme, la noblesse de sang était appelée à protéger son territoire contre les attaques des ennemis et contre les attaques  du souverain. L’homme noble était libre et
    confiant vis-à-vis de ses subordonnés, de ses égaux et de ses supérieurs ; roi sur ses terres, il pouvait librement épanouir sa personnalité selon les principes de la chevalerie.   
        L’absolutisme a changé cette situation : la noblesse d’opposition, qui s’appuyait librement, fièrement et bravement sur son droit historique, a été autant que possible éradiquée : le reste à été envoyé à la cour, et là, réduit à une étincelante servitude. Cette noblesse de cour était non libre, dépendante des humeurs du souverain et de sa camarilla ; elle a donc dû perdre ses meilleures qualités : le caractère, le besoin de liberté, la fierté, le leadership. Pour briser le caractère, et donc la force de résistance, de la noblesse française, Louis XIV l’a attirée à Versailles ; l’accomplissement de son oeuvre a été réservé à la grande Révolution : à la noblesse qui avait déjà bradé et perdu ses avantages, elle a retiré ses derniers privilèges.
        Ce n’est que dans ces pays d’Europe où la noblesse est restée fidèle à sa mission chevaleresque, où elle est restée le leader et l’avant-gardiste de l’opposition nationale contre le despotisme monarchique et la domination étrangère, qu’un type de leader noble s’est maintenu : en Angleterre, en Hongrie, en Pologne, en Italie.
        Depuis la transformation de la culture européenne, de rustico-chevaleresque à urbano-bourgeoise, la noblesse de sang est restée, d’un point de vue culturello-spirituel, en retrait derrière la bourgeoise. La
    guerre, la politique et la gestion de ses biens l’ont tellement accaparée que ses capacités et ses intérêts spirituels ont largement décliné.
        Ces causes historiques du crépuscule de la noblesse pendant les temps modernes ont encore été renforcées par des causes physiologiques. À la place du service de guerre dur et médiéval, les temps modernes ont généralement apporté à la noblesse une bonne vie  et sans travail ; de la position la plus menacée, la noblesse est progressivement devenue, grâce à sa richesse d’héritage, la position la plus sécurisée ; ce à quoi s’est encore ajoutée l’influence dégénérative d’une consanguinité exagérée, à laquelle le noble anglais a échappé grâce à des mélanges fréquents avec du sang bourgeois. À travers l’effet combiné de ces circonstances, le type physique, psychique et spirituel du noble d’autrefois a
    décliné.
        La noblesse cérébrale n’a pas pu prendre le relais de la noblesse de sang car elle aussi se trouvait dans une crise, dans un état de déclin.  La démocratie est née de cette situation embarrassée : non parce que les gens ne voulaient pas de noblesse, mais parce qu’ils ne trouvaient pas de noblesse. Dès qu’une nouvelle et véritable noblesse se sera constituée, la démocratie disparaîtra d’elle-même. C’est parce l’Angleterre possède  une véritable noblesse qu’elle est restée, en dépit de sa constitution
    démocratique, aristocratique.
        La noblesse cérébrale académique  allemande, qui était il y a un siècle la leader de l’opposition contre l’absolutisme et le féodalisme, l’avant-gardiste des idées modernes et libérales, a aujourd’hui sombré au rang de pilier principal du réactionnisme, d’adversaire principal de l’innovation spirituelle et politique. Cette pseudo-noblesse d’esprit allemande a été l’avocate du militarisme pendant la guerre, le défenseur du capitalisme pendant la révolution. Ses leitmotivs  : nationalisme, militarisme, antisémitisme, alcoolisme, sont en même temps les mots d’ordre du combat contre l’esprit. Sa mission riche en responsabilités : prendre le relais de la noblesse féodale et préparer la noblesse d’esprit, l’intelligentsia académique l’a ignorée, reniée et trahie.
    L’intelligentsia journalistique  a aussi trahi sa mission de leader. Elle qui était appelée à devenir la leader et la professeure spirituelle des masses, appelée à compléter et à améliorer ce qu’un système scolaire
    rétrograde a raté et brisé — elle s’est rabaissée dans sa monstrueuse majorité en esclave du capital, en illustration biaisée des goûts politiques et artistiques. Son caractère s’est brisé sous le poids de la
    contrainte d’avoir à soutenir et défendre, en lieu et place de ses propres convictions, celles d’autrui — son esprit s’est affadi via la surproduction à laquelle sa profession l’a contraint.
        À l’instar du rhéteur de l’antiquité, le journaliste  des temps modernes se tient au centre de la machine d’État : il met en mouvement les électeurs, les électeurs les députés, les députés les ministres. Au journaliste échoit donc la plus haute responsabilité pour tous les événements politiques : et lui justement, en tant que représentant typique de l’absence de caractère urbaine, il se sent généralement libre de toutes ses obligations et responsabilités.
        L’école et la presse sont les deux points à partir desquels le monde pourrait être , sans sang ni violence, renouvelé et ennobli.
    L’école nourrit ou empoisonne l’âme de l’enfant; la presse nourrit ou empoisonne l’âme de l’adulte.
     L’école et la presse sont aujourd’hui toutes deux aux mains d’une intelligentsia dénuée d’esprit : la remettre aux mains de l’esprit serait la plus haute tâche de toute politique idéale, de toute révolution idéale.
        Les dynasties européennes de dominants ont décliné à travers la consanguinité ; les dynasties ploutocrates à travers la bonne vie. La noblesse de sang s’est délabrée parce qu’elle est devenue la servante de la monarchie ; la noblesse d’esprit s’est délabrée parce qu’elle est devenue la servante du capital.
        Ces deux aristocraties avaient oublié qu’avec chaque avantage, qu’avec chaque distinction et chaque situation exceptionnelle, une responsabilité  est associée. Elles ont désappris la devise de tous les vrais nobles : «Noblesse oblige ! »
     Elles ont voulu savourer les fruits de leur position avantageuse, sans en supporter les devoirs ; se sont senties maîtresses  et supérieures, et non leaders et modèles pour leurs congénères. Au lieu de montrer au peuple les nouveaux buts, au lieu de     frayer pour le peuple de nouveaux chemins, elles se sont laissé manipuler par les dominants et les capitalistes, comme des outils au service de leurs intérêts : pour une bonne vie, des positions honorifiques et de l’argent, elles ont vendu leur âme, leur sang et leur cerveau.
        Les anciennes noblesses de sang et cérébrale ont perdu le droit d’être encore considérées en tant qu’aristocraties ; car il leur manque les signes de toute véritable noblesse : le caractère, la liberté, la responsabilité. Les liens qui les unissaient à leur peuple, elles les ont rompus : à travers l'arrogance
    catégorielle d’un côté, et l’arrogance culturelle  de l’autre.
        Cela va dans le sens de la Némésis historique que le grand déluge, prenant sa source en Russie, nettoie par des chemins sanglants ou non le monde des usurpateurs qui veulent revendiquer leur position avantageuse, alors qu’ils en ont depuis longtemps perdu les présupposés d’autrefois.

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    6. LA DOMINATION DE L’ESPRIT AU LIEU DE LA DOMINATION DE L’ÉPÉE

        Notre âge démocratique est un pitoyable interlude entre deux grandes époques aristocratiques :
    l'aristocratie féodale d’épée  et l'aristocratie sociale de l’esprit.  L’aristocratie féodale est en déclin, l’aristocratie de l’esprit en devenir. Le temps intermédiaire se nomme démocratique, mais est en vérité dominé par la pseudo-aristocratie de l’argent.
        Au Moyen Age, en Europe le chevalier rustique régnait sur le bourgeois urbain, la mentalité païenne sur la mentalité chrétienne, la noblesse de sang sur la noblesse cérébrale. La supériorité du chevalier sur le bourgeois reposait sur la force du corps et du caractère, sur la robustesse et sur le courage.
        Deux inventions ont vaincu le Moyen Age et ouvert les temps modernes : l’invention de la poudre  a signifié la fin de la domination du chevalier, l’invention de Y imprimerie  le début de la domination de l’esprit. La force du corps et le courage ont perdu, à travers l’introduction de l’arme à feu, leur signification décisive dans le combat pour le Dasein : l’esprit est devenu, dans la lutte pour la puissance et la liberté, l’arme décisive.
        L’imprimerie a donné à l’esprit un instrument de pouvoir d’une portée sans limite, elle a transformé l’humanité qui écrit en point de mire de l’humanité qui lit et a ainsi promu l’écrivain au rang de leader
    spirituel des masses.  Gutenberg a donné aux plumes la puissance que Schwarz avait retirée aux épées.
     Avec l’aide de l’encre d’imprimerie, Luther a conquis un royaume plus grand que ne l’ont fait tous les
    empereurs allemands.
    Dans les époques de despotisme éclairé,  les souverains et les hommes d’État obéissaient aux idées qui émanaient des penseurs. Les écrivains de ce temps-là formaient une aristocratie spirituelle en Europe. La victoire de l’absolutisme sur le féodalisme a signifié la première victoire de la ville sur la campagne et, en même temps, la première étape dans la série des victoires de la noblesse de l’esprit, et dans la chute de la noblesse d’épée. À la médiévale dictature de la campagne sur la ville s’est substituée la moderne dictature de la ville sur la campagne.
    Avec la Révolution française,  qui s’est séparée des privilèges de la noblesse de sang, a commencé la deuxième époque de l’émancipation de l’esprit. La démocratie repose sur le présupposé optimiste qu’une noblesse spirituelle pourrait être reconnue et élue par la majorité populaire.
        Actuellement, nous nous situons sur le seuil de la troisième époque des temps modernes : celle du
    socialisme.  Lui aussi s’appuie sur la classe urbaine des travailleurs industriels, menée par l’aristocratie urbaine révolutionnaire des écrivains.
        L influence de la noblesse de sang sombre, l’influence de la noblesse d’esprit croît.
        Ce développement, et donc le chaos de la politique moderne, ne prendra fin que si une aristocratie spirituelle s’approprie les instruments de pouvoir de la société : poudre, or, encre d’imprimerie, et les utilise pour le bien de la communauté.
        Le bolchevisme  russe représente une étape décisive vers ce but. Un petit groupe d’aristocrates de l’esprit communistes y régit le pays, rompant sciemment avec le démocratisme ploutocrate qui domine aujourd’hui le reste du monde.
        Le combat entre le capitalisme et le communisme pour l’héritage de la noblesse de sang vaincue, est la guerre fratricide de la noblesse cérébrale victorieuse, un combat entre l’esprit individualiste et l’esprit socialiste, entre l’esprit égoïste et l’esprit altruiste, entre l’esprit païen et l’esprit chrétiens. L’état-major de ces deux partis se recrute dans la race des leaders spirituels européens : dans le judaïsme.
        Le capitalisme et le communisme sont tous deux rationnels, tous deux mécanicistes, tous deux abstraits, tous deux urbains.
        La noblesse d’épée a définitivement fini de jouer. L’effectivité de l’esprit, la puissance de l’esprit, la croyance en l’esprit, l’espoir en l’esprit grandissent, et avec eux une nouvelle noblesse.

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    Deux formes d’âme luttent pour la domination mondiale : le paganisme et le christianisme.
     Chacune de ces formes d’âme n’a des relations que très superficielles avec les confessions qui portent ces noms. Si le point clé est déplacé du dogmatique vers l’éthique, du mythologique vers le psychologique, alors le bouddhisme se transforme en ultra-christianisme, tandis que l’américanisme apparaît comme un paganisme moderne. L'Orient  est l’émissaire principal de la mentalité chrétienne, l'
    Occident  celui de la mentalité païenne : les Chinois « païens »sont de meilleurs chrétiens que les Germains « chrétiens ».Au sommet de l’échelle des valeurs éthiques, le paganisme place la force d’agir,
     le christianisme l’amour.
     L’idéal chrétien est le saint aimant, l’idéal païen le héros victorieux. Le christianisme veut métamorphoser  l'homo férus  en homo domesticus,  l’humain prédateur en humain domestique —
    tandis que le paganisme veut recréer l’humain en surhumain.
    Le christianisme veut apprivoiser les tigres en chats — le paganisme veut élever les chats aux tigres.Le principal porte-parole du christianisme moderne fut Tolstoï  ; le principal porte-parole du paganisme moderne Nietzsche.La religion germanique des Eddas était du pur paganisme. Elle a survécu sous le masque chrétien : au Moyen Age en tant que vision du monde chevaleresque, dans les temps modernes en tant que vision du monde impérialiste et militariste. L’officier, le junker, le colonisateur, le capitaine d’industrie sont les représentants principaux  du paganisme moderne. La force d’agir, la bravoure, la grandeur, la liberté, la puissance, la gloire et l’honneur : ce sont les idéaux du paganisme ; tandis que l’amour, la clémence, l’humilité, la compassion et l’abnégation  sont des idéaux chrétiens.L’antithèse paganisme-christianisme ne coïncide ni avec l’antithèse : humain rustique-humain urbain, ni avec l’antithèse : consanguin-métis.Mais la barbarie rustique et la consanguinité favorisent sans aucun doute le développement de la mentalité païenne, la civilisation urbaine et le mélange le développement de la mentalité chrétienne.
    L’individualisme païen généralisé n’est possible que dans des contrées faiblement peuplées, là où le solitaire peut s’affirmer et s’épanouir : à sa convenance, sans pour autant se retrouver en opposition avec ses congénères. Dans les régions surpeuplées, là où les humains se pressent les uns contre les autres, le principe socialiste du soutien mutuel doit compléter le principe individualiste du combat pour le Dasein, et en partie même, le refouler.Le christianisme  et le socialisme  sont des produits internationaux de la grande ville. Le christianisme a pris naissance, en tant que religion mondiale, dans la métropole sans race de Rome ; le socialisme dans les villes industrielles occidentales aux nationalités
    mélangées. Ces deux manifestations de la mentalité chrétienne sont construites sur l’internationalisme. La résistance contre le christianisme a émané de la population rurale, tout comme aujourd’hui c’est encore le peuple de la campagne qui oppose la plus forte résistance à la réalisation du mode de vie socialiste.
    Les régions  nordiques  faiblement peuplées ont toujours été des centres du vouloir païen, et les régions densément peuplées du Sud  des incubateurs du sentir chrétien. La question actuelle de la
    contradiction entre les modes de spiritualité de l’Est et de l’Ouest ne permet généralement pas d’y comprendre quoi que ce soit, comparativement à cette contradiction entre les humains du Sud et du
    Nord. Le Japonais, en tant qu’il a la culture orientale la plus nordique, se rapproche à de multiples égards de l’Occidental ; tandis que la mentalité des Italiens du Sud et des Sud-Américains est orientale. En termes d’états d’âme, le degré de latitude semble plus décisif que le degré de longitude.Il n’y a pas que la position géographique : le développement historique agit aussi de façon décisive sur la forme d’âme d’un peuple. Les peuples chinois et juif ont une sensibilité plus chrétienne que le peuple
    germanique, car leur passé culturel est plus ancien. Le Germain est temporellement plus proche du sauvage que le Chinois ou le Juif ; ces deux anciens peuples culturels ont pu s’émanciper de façon plus approfondie de la conception naturelle païenne car ils ont eu au moins trois millénaires de plus pour ce faire.
    Le paganisme est un symptôme de la jeunesse culturelle  —le christianisme un symptôme de la vieillesse culturelle.Trois peuples : les  Grecs, les Romains  et les Juifs,  ont chacun à leur manière conquis le monde culturel antique. D’abord le peuple philosophico-esthétique des Grecs : dans Y hellénisme ; ensuite le peuple politico-pratique des Romains, dans Y Imperium Romanum ;  enfin le peuple éthico-religieux des Juifs, dans le  christianisme. Le christianisme, préparé éthiquement par les Esséniens juifs (Jean-Baptiste) et spirituellement par les Alexandriniens juifs (Philon d’Alexandrie), a été un judaïsme régénéré. Dans la mesure où l’Europe est chrétienne, elle est juive (au sens éthico-spirituel) ; dans la mesure où l’Europe est morale, elle est juive. La quasi-totalité de l’éthique européenne s’enracine dans le judaïsme.
     Tous les précurseurs d’une morale chrétienne religieuse ou non, de Saint Augustin à Rousseau, Kant et Tolstoï, étaient des Juifs par choix, au sens spirituel ; Nietzsche est le seul éthicien européen non juif et païen.
    Les représentants les plus proéminents et convaincants des idées chrétiennes, qui dans leur renaissance se nomment pacifisme et socialisme, sont des Juifs.
    À l’Est le peuple chinois est le peuple éthique par excellence  (contrairement au Japonais esthético-héroïque et à l’Indien religio-spéculatif) — à l’Ouest c’est le peuple juif. Dieu était le chef d’État
    des Juifs anciens, leurs lois morales étaient leur code civil, un péché était un crime.Le judaïsme est resté fidèle au fil des millénaires à l’idée théocratique d’une identification du politique avec l’éthique : le
    christianisme  et le socialisme  sont tous deux des tentatives d’établir un royaume divin. Il y a deux millénaires, les premiers chrétiens n’étaient pas des Pharisiens et des Sadducéens, des héritiers et des renouvelleurs de la tradition mosaïque ; aujourd’hui ce ne sont ni les sionistes, ni les chrétiens, mais les leaders juifs du socialisme : car eux aussi veulent, avec la plus grande abnégation, effacer le péché originel du capitalisme, délivrer les humains de l’injustice, de la violence et de l’esclavage, et transformer le monde absout en un paradis terrestre.
    L’éthique est primordiale en tout pour ces prophètes juifs du présent qui préparent une nouvelle époque du monde : en politique, en religion, en philosophie, en art. De Moïse à Weininger 16, Y éthique
     a été le problème principal de la philosophie juive. Dans cette profonde attitude éthique face au monde se trouve une racine de la grandeur unique du peuple juif— mais s’y trouve en même temps le danger que les Juifs, perdant leur croyance en l’éthique, plongent dans un égoïsme cynique : tandis que les humains d’une autre mentalité conservent les restes, même après la perte de leur attitude éthiques, de
    pléthore de valeurs et de préjugés chevaleresques (homme d’honneur, gentleman, cavalier, etc.), qui les protègent de la chute dans le chaos des valeurs.Ce qui sépare principalement les Juifs des citadins moyens est le fait qu’ils soient des humains consanguins. La force de caractère alliée à l’acuité spirituelle prédestine le Juif à devenir, à travers ses exemples les plus éminents, un leader de l’humanité urbaine, un faux ou véritable aristocrate de l’esprit, un protagoniste du capitalisme comme de la révolution.

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    L’humain rustique est majoritairement un produit de la consanguinité.
    Les parents et les grands-parents du paysan viennent habituellement des mêmes régions faiblement peuplées ; ceux du noble viennent de la haute société, tout aussi faiblement peuplée. Dans les deux cas, les ancêtres sont parents de sang, et donc en général semblables les uns aux autres, physiquement, psychiquement et spirituellement. De cela s’ensuit qu’ils transmettent à leurs enfants et à leurs descendants, en des degrés divers, ce qu’ils ont de commun : leurs traits, leurs tendances de volonté, leurs passions, leurs préjugés, leurs inhibitions. Les traits essentiels qui résultent de cette consanguinité sont : la fidélité, la piété, le sens de la famille, l’esprit de caste, la constance, l’obstination ,
    l’énergie, la limitation ; la puissance des préjugés, le manque d’objectivité, l’étroitesse d’horizon. Ici, une génération n’est pas une variation de la précédente, elle en est simplement la répétition : au développement se substitue le maintien.
    Dans la grande ville se rencontrent les peuples, les races, les positions sociales. En règle générale, l’humain urbain est un métissage des éléments sociaux et nationaux les plus différents. En lui, se perpétuent les singularités , les jugements, les inhibitions, les tendances de volonté et les visions du monde contradictoires de ses parents et de ses grands-parents, ou du moins s’affaiblissent-elles  entre elles. Par conséquent, les métis allient souvent l’absence de caractère, l’absence d’inhibitions, la faiblesse de la volonté, l’inconstance, l’impiété et l’infidélité avec l’objectivité, la polyvalence, la vivacité spirituelle, l’absence de préjugés et l’ouverture d’horizon. Les métis se différencient constamment de leurs parents et de leurs grands-parents ; chaque génération est une variation de la précédente, aussi bien dans le sens de l’évolution que de la dégénération.L’humain consanguin est un humain à une seule âme  — le métis est un humain à plusieurs âmes.
     Dans chaque individu survivent ses aïeux en tant qu’éléments de son âme : s’ils se ressemblent entre eux, alors elle est unitaire, uniforme ; s’ils divergent, alors cet humain est multiple, compliqué, différencié.La grandeur d’un esprit réside dans son extensivité , c’est-à-dire dans sa capacité à tout saisir et à tout comprendre ; la grandeur d’un caractère réside dans son intensité, c’est-à-dire dans sa capacité à vouloir fermement, de façon concentrée, et avec constance.
    La sagesse et la force d’agir  sont donc, en un certain sens, en contradiction.Plus sont prononcés la capacité et le penchant d’un humain à considérer qu’il est plus sage de voir les choses selon tous leurs côtés, et à pouvoir se placer de tous les points de vue sans préjugés — plus s’affaiblit, en général, son instinct volontaire d’agir dans une direction déterminée sans y penser : car à chaque motivation s’opposent des contre-motivations, à chaque croyance  s’oppose le scepticisme, à chaque action
    s’oppose l’aperçu de son insignifiance cosmique. *
    Seul un humain limité et unilatéral peut être capable d’agir. Il n’y a pas qu’une limitation inconsciente et naïve : il y a aussi une limitation  consciente et héroïque.
     L’être héroïquement limité — et à ce type appartiennent tous les véritables grands humains d’action — fait de façon temporaire volontairement abstraction de tous les aspects de son essence , à
    l’exception d’un seul, celui qui détermine son action. Il peut être objectif, critique, sceptique, supérieur 
    avant ou après son acte : pendant son acte, il est subjectif, croyant, unilatéral, injuste.La sagesse inhibe l’action  —  l’action renie la sagesse. La plus forte des volontés est sans effet, lorsqu 'elle est sans direction ; une volonté fragile a les effets les plus forts, lorsqu 'elle est unilatérale.Il n’y a aucune vie de l’acte sans injustice, sans erreur, sans culpabilité : qui s’effraie de devoir porter cette infamie , celui-là reste dans le royaume des pensées, de la contemplation et de la passivité. — Les humains sincères
    sont toujours silencieux : car chaque affirmation est, en un certain sens, mensonge ; Les humains au cœur pur sont toujours inactifs : car chaque action est, en un certain sens, injustice.
    Il est cependant plus brave de parler, au risque de mentir ; d’agir, au risque de commettre une injustice.La consanguinité renforce le caractère, affaiblit l’esprit — le croisement affaiblit le caractère, renforce l’esprit.
     Là où la consanguinité et le croisement se rencontrent sous des auspices favorables, ils créent le plus haut type d’êtres humains, alliant au caractère le plus fort l’esprit le plus acéré. Là où sous des auspices défavorables se rencontrent la consanguinité et le mélange, ils engendrent des types dégénérés au caractère faible, à l’esprit racorni.L’humain du lointain futur sera un métis. Les races et les castes
    d’aujourd’hui seront victimes  du dépassement toujours plus grand de l’espace, du temps et des préjugés. La  race du futur, négroïdo-eurasienne, d’apparence semblable à celle de l’Égypte ancienne, remplacera la multiplicité des peuples par une multiplicité des personnalités. En effet d’après les lois de l’héritage, avec la diversité des ancêtres grandit la diversité des descendants, et avec l’uniformité des ancêtres grandit leur uniformité. Dans les familles consanguines, un enfant ressemble à l’autre :
    car tous représentent le seul type familial commun. Dans les familles métissées, les enfants se différencient davantage les uns des autres : chacun forme une nouvelle variation des éléments divergents des parents et des grands-parents.La consanguinité engendre des types caractéristiques
    — le croisement engendre des personnalités originales.
    Dans l’Europe moderne le Russe,  en tant que métis slave, tatare et finnois, est le précurseur des humains planétaires du futur ; et parce qu’il est celui qui, parmi tous les peuples européens, a le moins de race, il est l’humain aux âmes multiples typique, avec une âme large, riche, englobante. Son plus
    fort antipode est le Britannique insulaire, l’humain de haut pedigree à l’âme unique, dont la force réside dans le caractère, la volonté, l’unilatéralité, la typicité. L’Europe moderne lui doit le type le plus fermé, le plus accompli : le gentleman.

     

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    3. GENTLEMAN — BOHÉMIEN

    En Europe, la noblesse de sang et la noblesse d’esprit se sont créé leur type spécifique : le gentleman  pour la noblesse de sang anglaise ; le bohémien  pour la noblesse d’esprit française.Le gentleman et le bohémien se rejoignent dans le désir de fuir la morne laideur du Dasein petit-bourgeois : le gentleman la dépasse grâce au style,  le bohémien grâce au tempérament.
     Le gentleman oppose à l’informe de la vie la forme — le bohémien à l’incolore de la vie la couleur.Le gentleman apporte de l’ordre au désordre des relations humaines — le bohémien de la liberté à leur absence de liberté.La beauté de l’idéal du gentleman repose sur la forme, le style, l’harmonie : elle est
    statique, classique, apollinienne.  La beauté de l’idéal bohémien repose sur le tempérament, la liberté, la vitalité : elle est dynamique, romantique, dionysiaque .Le gentleman idéalise et stylise sa richesse — le bohémien idéalise et stylise sa pauvreté.Le gentleman est fait de tradition ; le bohémien de protestation : l’essence  du gentleman est conservatrice — l’essence du bohémien est révolutionnaire. La mère de l’idéal du gentleman est l’Angleterre, le plus conservateur des pays d’Europe — le berceau de la bohème est la France, le plus révolutionnaire des pays d’Europe.L’idéal-gentleman est le mode de vie  d’une caste — l’idéal-bohème le mode de vie des personnalités.
    L’idéal-gentleman nous ramène par-delà l’Angleterre vers la stoa romaine — l’idéal-bohème nous ramène par-delà la France vers l’agora grecque. Les hommes d’État romains s’approchaient du type
    gentleman, les philosophes grecs du type bohémien : César  et Sénèque étaient des gentlemen, Socrate  et Diogène  des bohémiens.Le point clé du gentleman réside dans le physico-psychique — celui du bohémien dans le spirituel : le gentleman a le droit d’être un imbécile, le bohémien celui d’être un criminel.
    Ces deux idéaux sont des phénomènes humains de cristallisation : à l’instar du cristal qui ne peut se former que dans un environnement non rigide, ces deux idéaux doivent leur Dasein à la liberté anglaise et française.Il manque à  Allemagne  impériale  cette atmosphère pour la cristallisation de la personnalité : il n’a donc pu s’y développer aucun idéal de même essence . Il manque aux Allemands le style pour devenir gentleman, le tempérament pour devenir bohémien, la grâce et la souplesse pour devenir les deux.Comme il ne trouvait dans sa réalité aucun mode de vie à sa mesure, l’Allemand a cherché dans sa poésie des incarnations idéales de l’essence allemande : et il a trouvé le jeune Siegfried en tant qu’idéal physicopsychique, le vieux Faust  en tant qu’idéal spirituel.Ces deux idéaux étaient romantico-inactuels : par la distorsion de la réalité, l’idéal-Siegfried romantique [17] s’est rigidifié en officier prussien, en lieutenant — l’idéal-Faust en érudit allemand, en professeur.Aux idéaux organiques se sont substitués des idéaux mécanisés :l’officier représente la mécanisation du psychisme : le Siegfried rigidifié ; le professeur la mécanisation de l’esprit : le Faust rigidifié.D’aucune autre classe l’Allemagne de Wilhelm  n’a été plus fière que de ses officiers et de ses professeurs. En eux elle voyait l’apogée de la nation, tout comme l’Angleterre le voyait dans ses leaders politiques, et les peuples latins dans leurs artistes.
    Si le peuple allemand veut accéder à un développement plus grand, il doit revoir ses idéaux : sa force d’agir doit pulvériser son unilatéralité toute militaire pour s’élargir à la diversité politico-humaine ; son esprit doit pulvériser son étroitesse héritée des sciences pure et s’élargir à la synthèse du penseur-poète.
    Le XIXe  siècle a offert au peuple allemand deux hommes du plus grand style, qui ont incarné ces exigences de la plus haute germanité : Bismarck, le héros de l’action ; Goethe,  le héros de l’esprit.Bismarck renouvelle, approfondit et ranime l’idéal de Siegfried devenu kitsch — Goethe renouvelle, approfondit et ranime l’idéal de Faust devenu poussiéreux.Bismarck avait les qualités de l’officier allemand — sans ses défauts ; Goethe avait les qualités de l’érudit allemand — sans ses défauts. En Bismarck, la supériorité de l’homme d’État surpasse les limitations de l’officier ; en Goethe, la supériorité du penseur-poète surpasse les limitations de l’érudit: et en les deux,  l’idéal personnel organique surpasse le mécanique, l’humain surpasse la marionnette.Bismarck a plus fait pour le développement de la germanité à travers sa personnalité modèle qu’à travers la fondation de l’empire ; Goethe a plus enrichi le peuple allemand à travers son Dasein olympien qu’à travers son Faust : car Faust est, à l’instar de Goetz, Werther, Meister et Tasso, seulement un fragment de l’humanité de Goethe.F’Allemagne devrait bien se garder de kitschiser et de rabaisser ses deux modèles vivants : en faisant de Bismarck un adjudant et de Goethe un instituteur.À la suite de ces deux sommets de l’humanité allemande, l’Allemagne pourrait grandir et guérir ; elle peut apprendre d’eux la grandeur active et contemplative, la force d’agir et la sagesse. En effet Bismarck et Goethe sont les deux foyers autour desquels pourrait se former un nouveau style de vie allemand, qui serait de même essence 
    que les autres idéaux occidentaux.

     

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