•     L’âge du travail se décompose en celui de l' agriculture  et celui de la technique.
        En tant qu’agriculteur, l’humain est surtout  défensif  par rapport à la nature — en tant que technicien, il est
    offensif.
        Les méthodes du travail correspondent à celles de la guerre et de la chasse : la défense  et la réduction en esclavage.
     L’époque de l’agriculture se limite à repousser la faim et le froid — alors que la technique passe au fait de réduire en esclavage les forces de la nature autrefois ennemies. L’humain domine aujourd’hui la vapeur et l’électricité ainsi qu’une armée d’esclaves faite de machines. Avec elles il ne se défend pas seulement de la faim et du froid, des catastrophes naturelles et des maladies — il entreprend plutôt de lutter même contre les limites de l’espace, du temps et de la force de gravité. Son combat pour la liberté contre les forces de la nature  se change en une lutte pour le
    pouvoir.
        La technique  est l’utilisation pratique de la science pour la domination de la nature ; à la technique, entendue au sens le plus large du terme,
    appartiennent aussi la chimie  en tant que technique de l’atome et la médecine  en tant que technique organique.
        La technique spiritualise le travail : à travers elle  il réduit la charge de travail et augmente le rendement du travail.
        La technique  repose sur une attitude héroïque et activiste face à la nature ; elle ne veut pas se plier à la volonté des forces de la nature, mais plutôt la dominer.
    La volonté de puissance est le mobile du progrès technique.
     Dans les forces de la nature, le technicien voit des maîtres tyranniques à déchoir, des adversaires à vaincre, des bêtes féroces à apprivoiser.
        La technique est un enfant de l’esprit européen.
     

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  •  

    La chasse, la guerre et le travail sont si multiplement passés les uns dans les autres qu’il est impossible de les séparer chronologiquement les uns des autres. Précédemment, l’âge de la chasse s’est déroulé en parallèle à celui de la guerre pendant des milliers d’années — tout comme aujourd’hui l’âge de la guerre se déroule en parallèle à celui du travail ; mais le point clé du front de combat s’est déplacé et se déplace constamment. Tandis qu’originellement la chasse se situait au centre des capacités humaines, par suite la guerre s’y est substituée, et pour finir le travail.

    La guerre, qui jadis était essentielle et nécessaire au progrès de la culture, a perdu cette signification et est devenue un dangereux nuisible de la culture. Aujourd’hui, les guerres ne désignent pas les étapes du progrès — plutôt les inventions.

    Les combats décisifs de l’humanité pour la liberté et la puissance se jouent aujourd’hui sur le front du travail.

    Dans un temps où la Guerre mondiale n'intéressera plus que les historiens, notre siècle charnière demeurera glorieux en tant qu' heure de naissance du vol humain.

    De même que dans l’âge de la guerre la chasse s’est maintenue en tant qu’anachronisme — se maintient aussi dans l’âge du travail la guerre en tant qu ’anachronisme. Mais dans cette époque, chaque guerre est une guerre civile  , parce qu’elle se dirige contre des combattants alliés et perturbe le front général du travail.

    Dans l’âge du travail, l’exaltation de la guerre est tout aussi inactuelle que l’exaltation de la chasse dans l’âge de la guerre. Initialement,  le tueur de dragons et de lions était le héros ; puis ce fut le commandant en chef ; et finalement l' inventeur.

    Lavoisier a plus œuvré pour le développement humain que Robespierre et Bonaparte réunis.

    Tout comme dans l’époque de la chasse le chasseur dominait, dans l’époque de la guerre le guerrier — de même le travailleur dominera dans l’âge du travail.

     

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  • V. CHASSE — GUERRE — TRAVAIL

    1. PUISSANCE ET LIBERTÉ

    L’humain contemplatif vit en paix avec son environnement — l’actif, en perpétuel état de guerre  . Pour se maintenir, s’imposer et s’épanouir, il doit constamment repousser, anéantir et réduire en esclavage les forces  étrangères et ennemies.

    Le combat pour la vie est un combat pour la liberté et la puissance. Vaincre signifie : imposer sa volonté. C’est pourquoi seul le vainqueur est libre, seul le vainqueur est puissant. Entre la liberté et la puissance, aucune frontière ne peut être tracée : la pleine jouissance de sa propre liberté blesse les intérêts d’autrui ; la puissance est la seule assurance d’une liberté sans entrave.

    Le combat de l’humanité pour sa liberté coïncide avec son combat pour la puissance. Dans le déroulement de celui-ci, elle a conquis et contraint la Terre entière : le règne animal à travers la chasse et l’élevage — le règne végétal à travers l’agriculture — le règne minéral à travers l’exploitation minière — les forces de la nature  à travers la technique. D’un animal effacé et faible, l’humain s’est propulsé au rang de maître de la Terre.

    2. CHASSE

    La première phase du combat humain a été l'âge de la chasse.

    À travers un combat ayant duré des centaines de milliers d’années, l’humain a gagné la domination sur le monde animal. Ce combat victorieux de l’humain relativement faible contre toutes les espèces animales sauvages, éradiquées ou encore existantes, plus grandes et plus sauvages que lui, est à comparer dans sa grandeur avec la conquête du monde antique par le petit village latin de Rome.

    L’humain a vaincu toutes les cornes et toutes les dents, toutes les pattes et toutes les griffes de ses rivaux physiquement mieux charpentés que lui, à travers l’arme seule de son entendement supérieur, qui s’est continuellement aiguisé au cours de ce combat.

    Les objectifs du combat humain contre son ennemi animal ont été défensifs et offensifs : la défense et la mise en esclavage.

    Au début, l’humain s’est contenté de rendre les animaux ennemis inoffensifs à travers la défense et l’élimination ; plus tard il a commencé à les apprivoiser et à s’en servir. Il a métamorphosé les loups en chiens, les buffles en boeufs, les sauvages éléphants, chameaux, rennes, ânes, chevaux, lamas, chèvres, moutons et chats en animaux apprivoisés. Ainsi, à partir d’une nuée de rivaux des temps anciens il s’est soumis une armée d’esclaves animaux, un arsenal de machines vivantes, qui ont travaillé et combattu à son service, qui ont augmenté sa liberté et sa puissance.

    3. GUERRE

    Pour affirmer et augmenter la puissance accumulée, l’humain est passé au fait de combattre ses congénères avec les mêmes méthodes, comme le monde animal. L’âge de la chasse s’est transformé en un âge de la guerre. L’humain a lutté avec l’humain pour la division de la Terre conquise au monde animal. Le plus fort a repoussé, éliminé ou réduit en esclavage le plus faible : La guerre a été une forme spéciale de chasse, l’esclavage une forme spéciale de gardiennage d’animaux. Dans le combat pour la puissance et la liberté, l’humain le plus fort, le plus audacieux, le plus intelligent a vaincu le plus faible, le plus lâche, le plus stupide. La guerre aussi a aiguisé l’esprit humain, forgé la force de l’humain.

    4. TRAVAIL

    Ni la chasse ni la guerre seules ne pouvaient à la longue nourrir l’humain : il a dû procéder une fois de plus à un changement de front et entamer un combat contre la nature sans vie. L ’ âge du travail commença. Les guerres et les aventures de chasse apportaient encore de la gloire et des sensations — mais le point clé  de la vie s’était déplacé vers le travail, car lui seul lui apportait la nourriture dont il a besoin pour son maintien.

    Le travail a été une forme spéciale de guerre — la technique une forme spéciale d’esclavage : au lieu des humains, les forces de la nature ont été vaincues et réduites en esclavage.

    À travers le travail, l’humain a combattu la faim : il s’est soumis le sol et les fruits des champs et en a récolté les produits. À travers le travail, l’humain a combattu le froid de l’hiver : il a construit des maisons, tissé des étoffes, abattu du bois. C’est ainsi qu’il s’est protégé, à travers le travail, des violences hostiles de la nature.

     

     

     

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  • IV. LA MISSION TECHNIQUE MONDIALE DE L’EUROPE

    1. L’ESPRIT EUROPÉEN

    Avec les temps modernes commence la grande mission culturelle de l’Europe.

    L’essence de l’Europe est la volonté de changer et d’améliorer le monde à travers des actes. L’Europe se précipite consciemment du présent vers le futur ; elle se trouve en état de perpétuelles émancipation, réforme et révolution ; elle est en recherche de nouveautés, sceptique, impie et lutte avec ses habitudes et ses traditions.

    Dans la mythologie juive, l’esprit européen correspond à Lucifer — dans la mythologie grecque à Prométhée : le porteur de lumière, qui amène l’étincelle divine sur Terre, qui se révolte contre l’harmonie célesto- asiatique, contre l’ordre du monde divin, le prince de cette Terre, le père du combat, de la technique, des Lumières et du progrès, le leader  de l’humain dans sa lutte contre la nature.

    L’esprit de l’Europe a brisé le despotisme politique, et la domination violente des forces de la nature. L’Européen ne se dévoue pas à son destin, il cherche plutôt à le maîtriser à travers l’action et l’esprit : en tant qu’ activiste et que rationaliste.

    2. L’HELLAS EN TANT QUE PRÉ-EUROPE

    L’Hellas  a été le précurseur de l’Europe ; elle a pour la première fois fait l’expérience de la différence d’essence entre elle et l’Asie, et découvert son âme activisto-rationaliste. Son Olympe n’était pas un paradis de paix — mais plutôt un lieu de combat ; son plus haut dieu était un rebelle impie. L’Hellas a déchu ses rois et ses dieux — et mis à leur place l’État du citoyen et la religion de l’humain.

    Cette période européenne de la Grèce a commencé avec la chute de la tyrannie et s’est achevée avec le despotisme asiatique d’Alexandre et des diadoques ; il a trouvé une courte suite dans la Rome républicaine pour ensuite se perdre définitivement dans l’empire romain.

    Alexandre le Grand, les rois hellénistiques et les empereurs romains ont été les héritiers de l’idée asiatique de grande royauté. L’empire romain ne se différenciait aucunement en termes d’essence des despotismes orientaux de Chine, de Mésopotamie, d’Inde ou de Perse. —

    Au Moyen Age, l’Europe était une province spirituelle de la culture de l’Asie. Elle était gouvernée par la religion asiatique du Christ. Sa culture religieuse, son atmosphère fondamentalement mystique, sa forme d’État monarchique, ainsi que le dualisme entre les papes et les empereurs, les moines et les chevaliers, étaient asiatiques.

    Ce n’est qu’avec l’émancipation de l’Europe d’avec le christianisme — qui a commencé avec la Renaissance et la Réforme, s’est poursuivie avec les Lumières et a atteint son point culminant avec Nietzsche — que l’Europe est revenue à elle et s’est spirituellement séparée de l’Asie.

    La culture européenne est la culture des temps modernes .

    3. LES FONDEMENTS TECHNIQUES DE L’EUROPE

    Le monde de Philippe IP 3 n ’a aucunement signifié, en termes d’essence, un progrès culturel par rapport au monde d Ha m m u ra b i 31 : ni dans l’art, ni dans la science, ni dans la politique, ni dans la justice, ni dans l’administration.

    En l’espace des deux millénaires et demi qui nous séparent de Philippe, le monde a plus fondamentalement changé qu’en l’espace des deux millénaires et demi précédents.

    C’est la technique qui a réveillé l’Europe de son asiatique sommeil de Belle au bois dormant médiévale. Elle a vaincu la chevalerie et le féodalisme à travers l’invention de l’arme à feu — elle a vaincu la papauté et la superstition à travers l’invention de l’imprimerie ; à travers la boussole  et la technique navale, elle a ouvert à l’Européen les parties du monde étrangères, qu’elle a ensuite, à l’aide de la poudre, conquises.

    Le progrès des sciences modernes ne peut pas être séparé du développement de la technique : sans télescope il n’y aurait pas d’astronomie moderne, sans microscope pas de bactériologie.

    L 'art moderne aussi est étroitement lié à la technique : la musique instrumentale moderne, l’architecture moderne, le théâtre moderne, reposent en partie sur des fondements techniques. L’effet  de la photographie sur la peinture de portrait va, dans tous les cas, se renforcer : car dans la mesure où la photographie est insurpassable pour la reproduction des formes du visage, elle contraindra la peinture à se replier sur son propre champ et à s’en tenir à l’essence, à l’âme de l’humain. — Un effet similaire à celui de la photographie sur la peinture pourrait s’exercer du cinématographe sur le théâtre.

    La stratégie moderne s’est fondamentalement modifiée sous l’influence de la technique. D’une science psychologique, l’art de la guerre est devenu une science surtout technique. Les méthodes de guerre actuelles se différencient des méthodes médiévales plus essentiellement que ces dernières ne se différencient de la manière de combattre des peuples de la nature.

    L’entière politique du présent est sous le signe du développement technique : la démocratie, le nationalisme, et réduction du peuple découlent de l’invention de l’imprimerie ; l’industrialisme et l’impérialisme colonial, le capitalisme et le socialisme sont des phénomènes consécutifs au progrès technique et au repositionnement de l’économie mondiale qu’il a conditionné. Tout comme l’agriculture crée une mentalité patriarcale, le travail manuel une mentalité individualiste — de même le travail industriel collectif, organisé, crée la mentalité socialiste : l’organisation technique du travail se reflète en retour dans l’organisation socialiste des travailleurs.

    Pour finir, le progrès technique a modifié Y Européen lui-même : il est devenu plus agité, plus nerveux, plus instable, plus vif, plus présent d’esprit, plus rationaliste, plus actif, plus pratique et plus intelligent.

    Si nous soustrayons de notre culture tous ces phénomènes consécutifs à la technique, ce qui reste n’est en aucun cas plus haut que la culture de l’Égypte ancienne ou que la culture de la Babylone antique — est même plus bas à de multiples égards.

    L’Europe doit aussi à la technique son avancée devant toutes les autres cultures. Ce n’est qu’à travers elle qu’elle est devenue la maîtresse et la leader [Fiihrer : guide] du monde.

    L Europe est une fonction de la technique.

    L’Amérique est la plus haute amélioration de l’Europe. —

    4. LE TOURNANT MONDIAL DE LA TECHNIQUE

    L ’âge technique de l’Europe est un événement mondialement historique, dont la signification est à comparer avec Y invention du feu dans les temps primordiaux de l’humanité. Avec l’invention du feu a commencé l’histoire de la culture humaine, a commencé le devenir-humain de l’humain- animal. Tous les progrès de l’humanité suivants, spirituels et matériels, se construisent sur cette découverte de Y Européen primordial Prométhée.

    La technique désigne un point charnière dans l’histoire de l’humanité , semblable au feu. Dans des dizaines de milliers d’années, l’histoire sera partitionnée en une époque pré-technique et une époque post-technique. L’Européen, — qui à ce moment-là se sera éteint depuis longtemps —, sera loué par cette humanité future, en tant que père du tournant technique mondial, comme un rédempteur .

    Les possibilités d’effectuation de l’âge technique, au début duquel nous nous situons, sont inestimables. Il créé les fondements matériels pour toutes les cultures à venir, qui, de par leur base modifiée, se différencieront essentiellement de toutes les précédentes jusque-là.

    Toutes les cultures jusque-là, de celle de l’Égypte ancienne et de la Chine jusqu’à celle du Moyen Age, ont été à peu près semblables les unes aux autres dans leur déroulement et dans leur épanouissement, parce qu’elles  reposaient sur les mêmes présupposés techniques. Des premiers temps égyptiens jusqu’à la sortie du Moyen Âge, la technique n’a enregistré aucun progrès essentiel.

    La culture qui émergera de l’âge technique se tiendra tout aussi haut par rapport aux cultures antique et médiévales — que celles-ci par rapport à l’âge de pierre.

    5. L’EUROPE EN TANT QUE TANGENTE CULTURELLE

    L’Europe n’est pas un cercle culturel — c’est une tangente culturelle : la tangente du cycle plus grand des cultures orientales, qui sont nées, ont fleuri et sont passées, pour renaître rajeunies en d’autres endroits.

    L’Europe a fait sauter ce cycle de la culture et elle a dans sa voie tracé une direction qui amène vers des modes de vie  inconnus.

    À l’intérieur des cultures orientales de l’Est et de l’Ouest, tout avait déjà été là : la culture technique de l’Europe cependant est quelque chose qui n’a jamais été auparavant, quelque chose de vraiment nouveau.

    L’Europe est un passage entre d’un côté l’ensemble  de toutes les cultures historiques précédentes, formant un tout en soi, et d’un autre côté les formes de culture du futur  .

    Un âge, comparable à celui de l’Europe en termes de signification et de dynamique, et dont nous avons cependant perdu les traces, doit avoir précédé les cultures antiques babylonienne, chinoise et égyptienne. Cette pré-Europe préhistorique a créé les  fondations pour toutes les cultures des derniers millénaires ; à l’instar de l’Europe moderne, c’était une tangente de la culture qui s’était détachée du cycle des pré-cultures préhistoriques.

    Le déroulement de la grande histoire mondiale se compose des cycles culturels asiatiques et des tangentes européennes. Sans ces tangentes (qui sont seulement européennes dans le sens spirituel et non dans le sens géographique du terme) il n’y aurait que de l’épanouissement, et pas de développement. Après une longue période de maturité, un peuple génial se détache toujours à nouveau de l’obscurité des temps, fait sauter le déroulement naturel de la culture et élève l’humanité à un niveau plus haut.

    Les inventions , non les récits ou les religions, désignent ces niveaux du développement des cultures : l’invention du bronze, du fer, de l’électricité. Ces inventions forment le legs  éternel d’un âge pour toutes les cultures à venir. De l’antiquité il ne restera rien — tandis que les temps modernes enrichissent la culture à travers la victoire sur l’électricité et d’autres forces de la nature : ces inventions survivront à Faust, à la Divine Comédie et à l’Iliade.

    Avec le Moyen Age s’est clos le cercle culturel du fer — avec les temps modernes commence le cercle culturel des machines : ce n’est pas une nouvelle culture qui commence ici — plutôt un nouvel âge.

    Le créateur de cet âge technique est le génial peuple-des- Prométhéens 36 , l’Européen germanisé. La culture moderne repose tout autant sur son esprit d’inventeur que sur l’éthique des juifs, l’art des Hellènes et la politique des Romains.

    « L’humain est une corde tendue entre l’animal et le surhumain — une corde au- dessus d’un abîme.

    Un dangereux Passé-de-l’autre-côté, un dangereux Sur-le-chemin, un dangereux Regarder-en-arrière, un dangereux Tressaillir et Rester-planté.

    Ce qu’il y a de grand dans l’humain c’est qu’il est un pont et nullement un but : ce qui peut être aimé dans l’humain, c’est qu’il est un dépassement-par-dessus et un déclin-par-dessous. »

    6. LIONARDO ET BACON

    Au commencement de l’ âge technique, deux grands Européens ont anticipé le sens de l’Europe :

    Les Prométhéens sont, dans la littérature allemande, les enfants humains de Prométhée. Le terme se retrouve notamment dans l’ouvrage de Siegfried Lipiner (1856-1911), Der Entfesselte Prometheus. Eine Dichtung in 5 Gesàngen (1876) [Prométhée déchaîné. Un récit en 5 chants ].

    Lionardo da Vinci et Bacon de Verulam.

    Lionardo s’est consacré avec la même passion aux tâches techniques qu’aux tâches artistiques. Son problème de prédilection était le vol humain, dont notre époque a étonnamment vécue sa solution.

    En Inde cela doit donner des yogis, qui à travers l’éthique et l’ascèse peuvent supprimer  la force de gravité et flotter dans les airs ; en Europe, l’esprit d’inventeur des ingénieurs et sa matérialisation : l’avion, a vaincu la force de gravité de façon technique. La lévitation et la technique de vol représentent symboliquement les chemins asiatique et européen vers la puissance et la liberté. —

    Bacon fut le créateur de l’audacieuse utopie technique « Nova Atlantis ». Son caractère technique se différencie essentiellement de toutes les utopies précédentes ; de Platon à More 37 .

    La transformation de la pensée médiévo-asiatique en une pensée temps- moderno-européenne s’exprime dans l’opposition entre ’ « Utopia » éthico- politique de More et la « Nova Atlantis » technoscientifique de Bacon. More voit encore dans les réformes socio-éthiques le levier de l’amélioration du monde — Bacon dans les inventions techniques.

    More était encore un chrétien — Bacon déjà un Européen.

    A suivre

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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  • III. L’ASIE ET L’EUROPE

    1. L’ASIE ET L’EUROPE

    La grandeur de l’Asie réside dans son éthique — la grandeur de l’Europe dans sa technique.

    L’Asie est la maîtresse à penser du monde en matière de domination de soi.

    L’Europe est la maîtresse à penser du monde en matière de domination de la nature.

    En Asie, le point clé de la question sociale se situe dans la surpopulation — en Europe dans le climat.

    L’Asie devait avant tout chercher à rendre possible un vivre ensemble pacifique entre des humains en surnombre : elle ne pouvait le faire qu’à travers une éducation des humains au désintéressement et à la domination de soi, à travers 1 ’éthique.

    L’Europe devait avant tout chercher à bannir les affres de la faim et du froid qui menaçaient constamment ses habitants : elle ne pouvait le faire qu’à travers le travail et les inventions, à travers la technique. —

    La vie est composée de deux valeurs fondamentales : l’harmonie et l’énergie ; toutes les autres valeurs en découlent.

    La grandeur et la beauté de l’Asie reposent sur l’harmonie.

    La grandeur et la beauté de l’Europe reposent sur l’énergie ;

    l’Asie vit dans l’espace : son esprit est contemplatif, tourné en lui-même, calme et fermé ; il est féminin, végétal, statique, apollinien, classique, idyllique —

    l’Europe vit dans le temps : son esprit est actif, dirigé vers l’extérieur, agité et orienté vers un but  ; il est masculin, animal, dynamique, dionysiaque, romantique, héroïque.

    Le symbole de l’Asie est la mer englobante, le cercle — le symbole de l’Europe est le courant se précipitant en avant, la ligne droite.

    Ici se révèle le plus profond sens des symboles cosmiques Alpha et Oméga. En langage des signes, ils nous permettent d’accéder  à cette mystique et toujours récurrente polarité entre la force et la forme, le temps et l’espace, l’humain et le cosmos, qui se cache derrière l’âme de l’Europe et de l’Asie :

    le grand oméga, le cercle, dont la large porte est ouverte sur le cosmos — est un symbole de l’harmonie divine de Y Asie ;

    le grand alpha, un angle pointu indiquant le haut, et qui perce l’oméga — est un symbole de l’activité humaine et de l’orientation européenne vers un but, rompant avec le calme éternel de l’Asie. A et Q sont aussi, au sens freudien, les indéniables symboles des sexes masculin et féminin : l’union de ces signes signifie l’engendrement et la vie, et révèle l’éternel dualisme du monde. C’est la même symbolique qui, selon toute vraisemblance, se trouve également au fondement des chiffres 1 et 0 : le un fini en tant que protestation contre le zéro infini — oui contre non.

    2. CULTURE ET CLIMAT

    L ’âme de l’Asie et de l’Europe sont issues du climat asiatique et européen.

    Les centres culturels de l’Asie sont situés dans des contrées chaudes — les centres culturels de l’Europe dans des contrées froides. C’est ce qui a généré leur attitude contradictoire face à la nature : là où le pays du Sud peut se sentir comme étant l’enfant et l’ami de sa nature généreusement dispendieuse — le pays du Nord est contraint d’arracher à un sol pauvre, dans un dur combat, tout ce dont il a besoin pour vivre ; il se trouve alors devant un choix : devenir soit le maître soit le valet de la nature — mais dans tous les cas son adversaire.

    Au Sud, l’échange entre l’humain et la nature était pacifico- harmonieux — au Nord il était bellico-héroïque.

    La dynamique de l’Europe s’explique par le fait qu’elle soit le centre culturel nordique de la Terre. Depuis des dizaines de milliers d’années, le froid et la pauvreté du sol placent l’Européen devant à un choix : « travaille ou meurt ! » Quiconque ne voulait ou ne pouvait travailler devait mourir de faim ou de froid. Au fil de nombreuses générations, l’hiver nordique a systématiquement éradiqué les Européens faibles, passifs, indolents et contemplatifs, et a donc engendré un type d’humain dur, actif, héroïque.

    Depuis les temps préhistoriques, l’humanité blanche, et depuis plus longtemps encore l’humanité blonde, lutte avec l’hiver, qui l’a blanchie tout autant qu’elle l’a forgée. L’Européen doit à cet endurcissement des temps anciens le fait d’avoir conservé jusqu’à aujourd’hui sa santé et sa force d’agir, en dépit de tous ses péchés culturels.

    L’humain blanc est le fils de l’hiver, de l’éloignement du soleil : pour dépasser le froid, il a dû étendre ses muscles et son esprit aux plus hautes performances et créer lui-même un nouveau soleil ; il a dû dépasser, recréer, soumettre la nature éternellement ennemie.

    Sous cette contrainte d’avoir à choisir entre l’acte et la mort, a émergé sur la frange nordique de chaque culture son type le plus fort, le plus héroïque : en Europe le Germain ,  en Asie le Japonais, en Amérique Y Aztèque. —

    La chaleur contraint l’humain à limiter son activité au minimum — le froid le contraint à augmenter son activité au maximum.

    L’humain actif et héroïque du Nord a toujours vaincu et conquis le Sud passif et harmonieux : par contre le Sud, plus cultivé, a ensuite assimilé et civilisé les humains nordiques barbares —, et ce jusqu’à ce que finalement lui-même soit aussi conquis, barbarisé, régénéré par un nouveau Nord.

    La plupart des conquêtes guerrières dans l’histoire partent des peuples du Nord et se dirigent contre le Sud — la plupart des troubles spirituo- religieux partent des peuples du Sud et se retournent contre le Nord.

    L’Europe a été conquise religieusement par les Juifs — militairement par les Germains : en Asie, les religions de l’Inde et de l’Arabie ont vaincu : — alors que le Japon est sa puissance politique.

    Les peuples actifs des zones les plus chaudes (les Arabes, les Turcs, les Tatars, les Mongols) ont émergé des déserts ou des steppes : ici, à la place de l’hiver nordique, c’est l’aridité du sol qui a été leur maître en discipline  : mais ici aussi s’accomplit  inévitablement la victoire de l’humain héroïque sur l’idyllique , de l’actif sur le passif de l’affamé sur le rassasié. —

    3. LES TROIS RELIGIONS

    La chaleur de l’Inde, qui paralyse toute activité, a créé cette mentalité contemplative ; le froid de l’Europe, qui contraint à l’activité, a créé cette mentalité active ; la température tempérée de la Chine, qui demande une harmonieuse alternance d’activité et de contemplation, a créé cette mentalité harmonieuse. —

    Ces trois températures ont engendré trois types religieux fondamentaux : le type contemplatif, héroïque et harmonieux.

    La religion et l’éthique héroïques du Nord s’expriment dans les Eddas comme dans la vision du monde des chevaleries européenne et japonaise, et vivent leur résurrection dans l’enseignement de Nietzsche. Leurs plus hautes vertus sont le courage et la force d’agir, leur idéal est le combat, et le héros : Siegfried.

    La religion et l’éthique contemplatives du Sud trouvent leur accomplissement dans le bouddhisme. Leurs plus hautes vertus sont le renoncement et la clémence, leur idéal est le paix, et le saint : Bouddha.

    La religion et l’éthique harmonieuses du Milieu se sont épanouies à l’Ouest dans l’Hellas, à l’Est en Chine. Elles n’exigent ni l’ascèse du combat, ni le renoncement. Elles sont optimistes et d’ici-bas ; leur idéal est l’humain noble : le sage Confucius, l’artiste  Apollon. L’idéal grec de l’humain apollinien se tient au milieu, entre le héros germanique Siegfried et le saint indien Bouddha. —

    Toutes les formations religieuses et éthiques sont des combinaisons de ces trois types fondamentaux. Chaque religion qui se répand doit s’adapter à ces exigences climatiques. Le christianisme oriental se rapproche donc de la religion du Sud, le christianisme catholique de la religion du Milieu, le christianisme protestant de la religion du Nord. Il en va de même pour le bouddhisme à Ceylan, en Chine et au Japon. —

    Le christianisme a transmis à notre culture les valeurs asiatiques du Sud ; la Renaissance nous a transmis les valeurs antiques du Milieu ; la chevalerie nous a transmis les valeurs germaniques du Nord.

    4. HARMONIE ET FORCE
    Les valeurs culturelles européennes sont mélangées — son esprit est surtout nordique.
    En bonté et en sagesse, l’Oriental est supérieur à l’Européen — en force et en intelligence, il lui cède la place.
    L'honneur  européen est une valeur héroïque — la dignité  orientale une valeur harmonieuse.
    Le combat prolongé endurcit le cœur, la paix prolongée l’adoucit. De là vient que l’Oriental est plus clément et doux que l’Européen. À quoi s’ajoute le fait que le passé social des Indiens, des Chinois, des Japonais et des Juifs soit largement plus ancien que celui des Germains, qui vivaient encore, il y a 2000 ans, dans l’anarchie : les Asiatiques ont donc pu mieux développer, et plus longtemps, leurs vertus sociales que les Européens.
    La bonté du coeur correspond à la sagesse de l’esprit. La  sagesse  repose sur l’harmonie — l'intelligence  sur l’acuité de l’esprit.
    La sagesse  est aussi un fruit du Sud mature, rare au Nord. Même les philosophes d’Europe sont rarement sages, leur éthique rarement clémente. La culture antique était encore plus riche en hommes sages, dont l’entière personnalité portait le sceau d’une spiritualité éclairée — alors que ce type dans l’Europe moderne (parmi les chrétiens) s’est quasiment éteint. C’est aussi lié à la jeunesse culturelle des Germains, ainsi qu’à la dimension passionnée de l’esprit européen. À cela s’ajoute le fait que dans le Moyen Age chrétien les cloîtres, nichés au milieu d’un monde belliqueux et actif, aient été les seuls asiles pour la sagesse contemplative : les sages s’y sont retirés et éteints, victimes de leur vœu de chasteté.
    Les images européennes du Christ ont l’air sérieux et triste — tandis que les statues du Bouddha sourient. Les penseurs d’Europe sont gravement sérieux — tandis que les sages d’Asie sourient : car ils vivent en harmonie avec eux-mêmes, la société et la nature, non en combat ; ils commencent chaque réforme par eux-mêmes au lieu des autres, et agissent  ainsi davantage à travers leur exemple qu’à travers des livres. Sur
    l’autre rive de leur pensée, ils trouvent à nouveau leur enfance — tandis que les penseurs européens deviennent précocement séniles.
    Et pourtant l'Europe  est, en son genre, aussi grande que l’Asie : mais sa grandeur ne réside ni dans la bonté, ni dans la sagesse — mais dans la force d’agir  et dans
    l'esprit d’inventeur.
    L'Europe est l’héroïne du monde  ; sur chaque front de combat de l’humanité, elle est à la pointe des peuples : dans la chasse,  la guerre  et la technique,  l’Européen  a plus oeuvré que n’importe quel peuple culturel historique, avant lui ou à côté de lui. Il a éradiqué de ses pays presque tous les animaux dangereux ; il a vaincu et soumis presque tous les peuples de couleur sombre, et pour finir, à travers l’invention et le travail, à travers la science et la technique, il a acquis sur la nature une puissance
    telle, que jamais ni nulle part il ne fut tenu comme possible dans acquérir autant.
    La mission mondiale de l’Asie  est la délivrance de l’humanité grâce à l’éthique — la
    mission mondiale de l’Europe  est la délivrance de l’humanité grâce à la technique.

    Le symbole de l’Europe n’est ni le sage, ni le saint, ni le martyr — mais le héros, le combattant, le vainqueur et le libérateur. 

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